SuperMoi contre LeCrabe [B8]

J’ouvre la portière et sort de la voiture. Il fait nuit. La rue est mal éclairée.
J’avance de quelques mètres et me retourne pour admirer ma belle berline.
Je respire la fierté dans mon costume gris de cadre dynamique.
Je marche sous la pluie en peinant à éviter les flaques pour ne pas abimer mes belles chaussures noires. Je ne suis pas encore assez dynamique pour pouvoir me payer une place de parking ; je suis à 5 bonnes minutes à pied de chez moi.

J’avance sous les lampadaires fatiguées et longe un terrain en construction. La mairie construit un nouveau quartier à la place d’une ancienne usine automobile. J’aperçois deux sans-abris autour d’un baril qui tente de se réchauffer mais aucune flamme, aucune chaleur ne semble vouloir en sortir.

Je sors une bouteille en verre de la poche de mon long manteau gris anthracite.
Je tends le bras vers le premier sans-abri qui me regarde ahuri. Le bras à l’horizontal, les doigts écartés, je me concentre et prélève une dose de désespoir. Un éclair jaune jaillit du cœur du vieil homme effrayé. Attirée par ma main, l’énergie du désespoir se retrouve en boule entre mes doigts, comme une balle de baseball jaune. Je la presse, je l’écrase, et verse son jus dans la bouteille. Les deux hommes restent immobiles, terrifiés.

Je lève de nouveau mon bras et le dirige en direction du deuxième sans abri. Je collecte une bonne dose de lassitude ; il en à revendre. Un rayon mauve part de sa tête pour rejoindre ma main. La boule se forme entre mes doigts en quelques secondes. Je l’écrase et le jus coule dans la bouteille. Je mets le doigt sur le goulot, secoue vigoureusement le mélange et jette la bouteille dans le baril. De belles et grandes flammes oranges apparaissent et éclairent tout le terrain vague. Les deux hommes se regardent, puis m’observent, hésitent quelques instants puis se tournent vers le baril et tendent leurs mains vers les flammes.